L'herbe sèche

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Post by WiLliGriMmiVitch »

Ca n'a aucun rapport avec Arcanum, ni avec les univers héroic-fantasy.
Ce n'est pas une pièce de théâtre, je ne l'ai pas voulu comme cela.
Ce n'est pas une histoire vraie.
C'est un dialogue, entre deux personnes, qui n'ont rien à se dire.
C'est une scène intemporelle, sans ancrage spatial non plus.
Ca n'aurait jamais du arriver.

C'est un dialogue en 11 actes, voici le premier.

PS: Le mieux serait d'éviter de faire des commentaires entre les actes, vous comprendrez plus tard pourquoi...
Je serais ravi d'avoir vos commentaires, bon ou mauvais (pas trop mauvais non plus, c'est la première fois que j'écrit, soyez un peu indulgent :D ), mais faites les sur un autre topic, s'il y en a. Merci. Je le répète, vous comprendrez pourquoi...
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Acte premier

VINCENT (ayant examiné sa jambe) — Ecoute, je n’en peux plus. Tu n’as qu’à rester là, tu lui diras, toi. Tu lui expliqueras, tu sauras comment t’y prendre.
EDOUARD. — J’essayerais.
Silence.
VINCENT (réfléchissant) — Finalement, c’est une mauvaise idée.
EDOUARD. — Tu as mal ?
VINCENT (accablé) — Mal ! Bien sûr que j’ai mal. Qui n’aurais pas mal à ma place ?
Silence.
EDOUARD (inquiet) — Et tu attends ?
VINCENT. — On attend.
EDOUARD. — Mais toi, tu attends quoi ?
VINCENT. — Un dénouement.
EDOUARD (incrédule) — Un quoi ? Je ne comprends pas.
VINCENT. — Ca n’a pas d’importance.
EDOUARD. — Pour moi, ça en a.
Silence.
EDOUARD. — Et en attendant ?
VINCENT. — Tu n’as qu’à te pendre. Les arbres ne manquent pas. Je te prêterais de la corde. (Plus bas, froidement) Et puis, finalement, ça arrangerait mes affaires.
EDOUARD. — Oui, mais pour me pendre, il me faut un motif. Et moi, je n’ai pas de motifs.
VINCENT. — Bah… Tout le monde a un motif. Cherche bien c’est tout.
EDOUARD. — Euh… (Il réfléchit) Si je… (Un temps) C’est… (Faiblement, la voix tremblante) C’est toi, qui…
VINCENT (froidement) — Tu vois quand tu veux, tu es capable de te souvenir.
EDOUARD. — Demain j’aurais tout oublié. Tu le sais bien, ça ne sert à rien.
VINCENT (avec irritation) — Balivernes ! Je ne fais plus confiance à personne maintenant. Pas même à ceux que je connais. Et toi, je ne te connais pas.
EDOUARD. — Mais, tu disais…
VINCENT. — Tu vois bien que tu te souviens.
EDOUARD. — C’est que c’était il y a si peu de temps… (Un temps) Ma mémoire ne l’a pas encore effacé.
VINCENT. — Et même si cela était vrai. D’ici là, tu peux très bien tout dire à quelqu’un.
EDOUARD. — Il n’y a jamais personne ici.
VINCENT. — Tu étais bien là, toi.
EDOUARD. — Oui.
VINCENT. — Et moi ?
EDOUARD. — Aussi.
VINCENT. — Alors ?
EDOUARD. — Je comprends.
VINCENT. — Tu comprends quoi ?
EDOUARD. — Tout, mais c’est trop tard… (Un temps) L’herbe sèche…

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Acte deuxième

VINCENT (marchant, le regard dirigé vers le ciel) — Pourquoi moi ? Fou ? Non, je ne le suis pas. Vincent… (Un temps) C’était moi. Et j’attends, depuis déjà une heure. Que faire ? Je ne sais plus…
Il pousse un cri, qui s’achève un peu comme des pleurs, ou des lamentation, à ce degré, la distinction n’est plus vraiment faisable.
EDOUARD (en sursaut, se tournant vers Vincent) — Ah ! Je ne vous avais pas vu.
Vincent l’observe, le scrute.
VINCENT (à Edouard, avec vivacité) — Edouard !
EDOUARD. — Ah ? Tu as l’air de me connaître.
VINCENT. — J’ai lu ton nom sur ton badge.
EDOUARD. — Un badge ? Où ça ? (Un temps) Ah, ce badge… (Il réfléchit) Oui, eh bien, c’est… là où je travaille.
VINCENT. — Pourtant, il n’y a pas de nom d’entreprise. Enfin, je veux dire, d’habitude il y en a un. Et là, il n’y en a pas.
EDOUARD. — C’est que c’est un peu particulier. Mais, ton nom, je ne le connais pas, moi, tu n’as pas de badge.
VINCENT. — Je te l’ai déjà dit.
EDOUARD. — Je ne te l’avais pas demandé.
VINCENT. — Je n’ai pas de travail, c’est pour ça que je n’ai pas de badge.
EDOUARD. — Tu ne réponds jamais aux questions que l’on te pose ?
VINCENT. — Je m’appelle Vincent.
EDOUARD. — Enchanté, moi, c’est Edouard.
VINCENT. — Je sais.
EDOUARD. — Tu sais ?
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Acte troisième

Edouard pousse un cri. Vincent se réveille.
VINCENT. — Edouard… (Un temps) Edouard… (Un temps)
Edouard se réveille et se frotte les yeux.
EDOUARD. — Il fait encore nuit ?
VINCENT. — Oui, tu as crié, ça m’a réveillé.
EDOUARD. — J’ai fait un rêve.
VINCENT. — Ne le raconte pas.
EDOUARD. — Je rêvais que…
VINCENT. — NE LE RACONTE PAS !
EDOUARD (geste vers l’univers) — Celui-ci te suffit ?
VINCENT (avec ironie) — Tu attends Godot, peut-être ?... (Se force à sourire) Tu devrais savoir qu’il ne viendra pas… depuis le temps.
Silence.
EDOUARD. — Pourquoi ?
VINCENT. — Pourquoi quoi ?
EDOUARD. — Pourquoi ne pas te le raconter ?
VINCENT. — Parce que je m’en fous.
EDOUARD. — C’n’est pas très gentil. Moi qui t’ai aidé.
VINCENT. — J’ai d’autres problèmes… (Il réfléchit, avec assurance, plus fort) Pourquoi est-ce qu’il ne vient pas ? Et ces blessures qui me font de plus en plus mal.
EDOUARD. — Tu veux que je t’accompagne quelque part.
VINCENT. — Ce ne sera pas la peine. Il faut que tu restes là.
EDOUARD. — Mais… (Un temps) Pourquoi ?
VINCENT. — Parce que, j’ai réfléchit… (Un temps) Je n’en peux plus ! Ces blessures me font trop mal ! Ma voiture est garée de l’autre côté de la forêt… Une fois là-bas, j’arriverais bien à me conduire chez le médecin le plus proche… je tiendrais bien jusque là… (Un temps) il faut que je tienne jusque là…
EDOUARD. — Tu n’as pas répondu à ma question.
VINCENT. — Laquelle ?
EDOUARD. — Pourquoi je dois rester ici ?
VINCENT (réfléchissant) — Et bien, si jamais celui que j’attendais arrive, tu lui expliqueras…
Silence.
VINCENT (avec insistance) — Bon, tu sauras lui expliquer ?
EDOUARD. — A qui ?
VINCENT (exténué) — A celui que j’attendais ?
EDOUARD. — Tu ne l’attends plus ?
VINCENT. — Si.
EDOUARD. — Alors pourquoi tu parles au passé ?
VINCENT (soupirant) — J’ai mal, tu comprends ça ?
EDOUARD. — Oui, mais tu ne veux pas que je t’accompagne.
VINCENT. — Non, je t’ai déjà expliqué.
EDOUARD. — Tu ne veux pas attendre un peu encore, à quelle heure vous deviez vous retrouver ?

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Acte quatrième

VINCENT — Edouard… (Un temps) Edouard… (Un temps) EDOUARD !
Edouard se réveille en sursaut.
EDOUARD. — Pourquoi tu m’as réveillé, je t’ai dit que j’étais fatigué.
VINCENT. — J’avais besoin de ton aide. Et je me sentais seul.
EDOUARD. — Et maintenant.
VINCENT (surpris) — J’ai toujours besoin de ton aide.
EDOUARD. — Alors pourquoi tu parles au passé ?
VINCENT (ironiquement) — Je ne sais pas, et pour tout dire, ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus.
EDOUARD. — Et…
VINCENT. — Je t’ai déjà tout expliqué.
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Tu ne t’en souviens pas ?
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Pourtant ?
EDOUARD. — Je te dis que non.
VINCENT. — J’attends quelqu’un.
EDOUARD. — Oui, ça je sais.
VINCENT. — Que sais tu d’autre. ?
EDOUARD. — C’est tout.
VINCENT. — Ah…
EDOUARD. — Et bien, décides-toi, qu’est-ce qui t’arrive ?
VINCENT. — Il arrive.
EDOUARD. — Qui ?
VINCENT. — Celui que j’attendais.
EDOUARD. — Comment le sais-tu ?
VINCENT. — J’ai entendu un bruit de moteur.
EDOUARD. — Mais c’est très bien, qu’est-ce qui te préoccupe ?
VINCENT. — Toi.
EDOUARD. — Moi ?
VINCENT. — Oui toi. Tu es sourd ? A chaque fois que je te pose une question, il te faut confirmation.
EDOUARD. — C’est parce que sinon, j’oublie plus vite.
VINCENT. — Ah… (Un temps) Oui, donc il faut que tu m’attendes ici.
EDOUARD. — Tu pars ?
VINCENT. — Oui, je vais voir celui que j’attendais.
EDOUARD. — Mais si tu l’attendais, c’est qu’il doit venir ici.
VINCENT. — Je t’expliquerais.
EDOUARD. — Je t’attends.
VINCENT. — Je reviens.
EDOUARD. — Attends ! Pourquoi est-ce que je t’attends ?
VINCENT. — Parce que… (Il réfléchit) Je t’expliquerais, tu devrais comprendre avec ce que je t’ai dit.
EDOUARD. — Mais puisque je te dit que…
Vincent s’éloigne sur le chemin, puis disparaît des yeux d’Edouard. Edouard s’assied. Il attend, puis entend un cri, un râle, puis un deuxième cri, plus long celui-là. Vincent revient en boitant.
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Acte cinquième

EDOUARD. — Tu disais ?
VINCENT (distrait) — Ah, te revoilà, toi.
EDOUARD. — Je ne suis pas parti, jamais.
VINCENT. — Mais tu ne parlais plus, alors j’ai cru que…
EDOUARD. — Tu me voyais bien pourtant.
VINCENT (timidement). — Oui, mais euh… Je suis content de te revoir, je te croyais parti, j’avais peur de ne plus te revoir.
EDOUARD. — Pourtant tu me connais à peine et…
VINCENT (avec emphase) — Je te connais assez, crois moi.
EDOUARD. — J’ai pourtant du mal… (Il réfléchit) Ca ne doit faire que deux heures.
VINCENT (avec irritation). — Deux heures ? Quoi deux heures ? Tu ne te souviens pas ?
EDOUARD. — Non.
Silence.
EDOUARD. — Si je me souviens, il me semble… (Un temps) C’était toi tout à l’heure ?
VINCENT. — Où cela ?
EDOUARD. — Mais ici même. Enfin… (Un temps) Il me semble.
VINCENT. — Décidemment tu ne sais pas ce que tu dis, ni ce que tu fais.
EDOUARD. — C’est bien ça le problème, depuis le temps, tu devrais le savoir.
VINCENT. — Tu disais que je ne te connaissais pas, comment voudrais-tu que je sache ?
EDOUARD. — Eh bien… (Il cherche) Je ne sais plus… (Un temps) Je suis fatigué.
Silence.
Edouard s’assied. Vincent arpente le bord du chemin, s’assied, puis se relève. Edouard s’allonge puis s’endort. Vincent s’arrête devant lui, puis s’assied.
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Acte sixième

EDOUARD. — Donc tu attends quelqu’un… (Il réfléchit) Drôle de lieu pour une rencontre… (Un temps, Vincent ne réagis pas) Mais, dis moi, tu n’es pas venu ici seulement pour attendre ce mystérieux inconnu. Alors, tu fais quoi ici ?
VINCENT. — Tu ne m’as pas répondu.
EDOUARD (incrédule) — Hein…
VINCENT. — Tout à l’heure, je t’ai posé la même question, et tu ne m’as pas répondu.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — Et puis, ton changement de ton m’intrigue.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — Tu es un peu bizarre.
EDOUARD. — Ah.
VINCENT. — Tu ne serais pas schizophrène ?
EDOUARD. — Des fois, j’ai du mal à te comprendre.
VINCENT. — Laisse faire, c’était juste une blague. A bad joke. C’était pour rire… (Un temps) Hein p’tit gars.
EDOUARD. — Ca ne me fait pas rire.
Vincent déploie un sourire glacial. Il écarte ses fossettes au maximum, son sourire forcé se fige, durant un court instant, puis tout se relâche.
EDOUARD. — Tu te moques de moi ?
VINCENT (avec ironie) — Je n’oserais jamais.
EDOUARD. — Tu ne m’as pas répondu.
VINCENT. — Toi non plus.
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Acte septième

EDOUARD. — Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu es blessé ?
VINCENT. — Oui, à la jambe.
EDOUARD. — Drôle de rendez-vous.
VINCENT. — Oui… (Il réfléchit, avec détermination) Mais c’était pas lui.
EDOUARD. — C’était qui alors ?
VINCENT (hésitant) — Un autre.
EDOUARD. — Et qu’est-ce qu’il te voulait ?
VINCENT (hésitant) — La même chose que l’autre.
EDOUARD. — Je comprends rien.
VINCENT. — Tu n’as pas à comprendre.
EDOUARD. — Bon, si tu le prends comme ça.
VINCENT (exténué) — Je le prends comme je le veux. Je me suis pris deux coups de couteau. Un dans la jambe, et en plus je me suis fait percé le ventre… (Haussant la voix) J’ai le droit d’être énervé, non ? J’ai assez mal comme ça. Alors les pauvres types comme toi, tu sais ce que j’ai envie de leur dire.
EDOUARD. — Et bien, vas-y, dis-le. Moi, je me barre.
VINCENT. — Non reste… (Avec difficulté) Aides-moi…
Vincent s’évanouit. Edouard lui arrache sa chemise, la déchire, puis bande Vincent à la jambe et au torse. Vincent rouvre lentement les yeux.
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Acte huitième

EDOUARD. — Tu ne me répondras pas alors ?
VINCENT. — Quand tu m’auras répondu.
EDOUARD. — Je me reposais.
VINCENT. — Mais encore…
EDOUARD. — Je me suis perdu.
VINCENT. — Allons, un grand garçon comme toi…
EDOUARD. — Tu te moques encore de moi ?
VINCENT. — Oui.
Silence.
VINCENT. — Bon. Même si je ne te crois pas…
EDOUARD. — Pourtant, c’est la vérité… (Un temps) Et puis, après tout, qu’est-ce que cela peut vous faire ? Vous n’avez rien à vous reprocher, et moi non plus. Je peux vous le dire, c’est que je ne sais plus vraiment pourquoi je suis là. J’attends mon amie… (Un temps) Enfin je crois. Elle devrait être là, mais j’oublie toujours tout… (Un temps) Je me suis assoupie… (Un temps) J’ai tout aussi bien pu me tromper de jour… (Un temps) Vous ne l’auriez pas croisée par hasard… (Un temps) Quel jour on est aujourd’hui ?
VINCENT. — Quel élan de lucidité ! Et puis, tu me vouvoies maintenant ? Tu me sembles de plus en plus bizarre. Tu es sûr que tu n’as aucun problème.
EDOUARD. — Je viens de vous le dire, j’ai perdu mon amie.
VINCENT. — Je croyais que tu t’étais perdu, pas que tu avais perdu quelqu’un.
EDOUARD. — Je pensais être perdu, d’ailleurs je le pense toujours. Mais j’ai aussi perdu mon amie, elle devrait être là… (Un temps) C’est que je ne me souviens plus. Elle m’avait dit de l’attendre ici, elle devait revenir… (Un temps) Elle m’a dit l’heure pourtant.
VINCENT. — Tu n’es pas logique.
EDOUARD. — Je suis amnésique.
VINCENT. — Amnésique ? Pourtant tu te souviens de beaucoup de choses ?
EDOUARD. — C’est un peu spécial.
VINCENT. — Tu l’as déjà dit.
EDOUARD. — Ah ?
VINCENT. — Non, je te taquine…
EDOUARD. — Ah… (Un temps) Ma mémoire s’efface d’elle même… (Un temps) Des fois. Je me souviens de quelques bribes, mais ça reste vague, c’est comme une esquisse.
VINCENT. — D’où ton attitude.
EDOUARD. — Oui.
VINCENT. — Ca veut dire que demain… (Un temps) Tu ne te souviendras pas de moi ?
EDOUARD. — Si.
VINCENT. — Mais, tu viens de dire que…
EDOUARD. — Tu seras comme une esquisse. Un simple souvenir, une silhouette. Je ne te reconnaîtrais certainement pas si je te revoyais… (Un temps)
VINCENT. — Et…
EDOUARD. — J’aurais certainement oublié tout ce que nous nous sommes dits.
VINCENT. — Ah… (Un temps) C’est triste.
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Acte neuvième

VINCENT. — Oui, je sais. Mais tu fais quoi ici, normalement il n’y a jamais personne ici. On est à la campagne, en lisière de forêt, le premier village est à… (Il réfléchit) Au moins trente kilomètres. Il fait quasiment nuit. D’accord on est en été, mais personne ne se promène jamais ici. En plus il est… (Il regarde sa montre) Dix heures ! Déjà ! Il devrait être là... (Un temps) Qu’est-ce que tu fais là ?
EDOUARD. — Je suis là, c’est tout.
VINCENT (occupé, scrutant les alentours) — Tu vas bien au moins, tu étais allongé, là, sur l’herbe…
EDOUARD. — Elle était sèche au moins ?
VINCENT. — Hein… (Il s’immobilise, une goutte de sueur glisse le long de son front) Qui ça ?
EDOUARD. — L’herbe.
VINCENT (hésitant) — Ah, oui… l’herbe… (Un temps) Oui, elle était sèche, encore heureux, en plein été.
EDOUARD. — La place était à l’ombre.
VINCENT. — Et tu crois que la rosée du matin…
EDOUARD. — Elle était mouillée, j’en suis sûr.
VINCENT. — Si tu le dis. Mais pourquoi tu m’as posée la question ?
EDOUARD. — Parce qu’à ce moment là, je n’en étais pas sûr.
VINCENT (pensif) — Si tu le dis.
EDOUARD. — Tu me sembles préoccupé. Je peux t’aider peut-être.
VINCENT. — Je ne crois pas.
EDOUARD. — Tu attends quelqu’un ?
VINCENT. — Oui.
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Acte dixième

EDOUARD. — Tu peux me dire maintenant, pourquoi tu es ici ?
VINCENT. — Oui, de toute façon… demain… (Un temps)
EDOUARD. — Je ne m’en souviendrais pas. C’est si personnel que cela ?
VINCENT. — Je sors de prison.
EDOUARD (reculant d’un pas) — Ah…
VINCENT. — Tu ne devrais pas avoir peur, on m’a libéré, j’ai payé ma dette… (Un temps) Mais pas pour tout le monde.
EDOUARD. — Tu sais, je crois que ça ne me concerne pas, je préfère rester en dehors de ça. Je me demande bien pourquoi tu me racontes tout cela.
VINCENT. — Parce que demain tu ne t’en souviendras pas. Et puis, ça fait du bien de parler de temps en temps… (Un temps) Toi, tu es l’interlocuteur idéal.
EDOUARD. — Ah ?
VINCENT. — Oui. Donc, tu sais ce que c’est la vie des petits malfrats.
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Tu as bien lu des trucs… dans les journaux ?
EDOUARD. — Oui, mais, je ne me souviens pas.
VINCENT. — C’est vrai, j’oubliais. Donc tu vois, on survit, de petits délits en petits délits… (Un temps) Et puis, un jour, quelqu’un te propose un gros coup… Tu marches dedans… Ca foire… Tu te fais prendre… Et tu vas en prison…
EDOUARD. — Tu as fait quoi, toi, pour aller en prison ?
VINCENT. — Mes histoires t’intéressent maintenant ?
EDOUARD. — C’est que, euh… Je disais cela pour être polie.
VINCENT (raillant) — Je vois. J’ai braqué une banque, il y a eut un mort. On avait fait le coup à deux, je lui dois de l’argent… (Un temps) Beaucoup d’argent…On devait partager… cinquante – cinquante… (Un temps) Mais je me suis fait prendre… Maintenant, il veut sa part.
EDOUARD. — Mais… (Un temps) La police ? Elle n’a pas récupéré cet argent ?
VINCENT. — Pas tout, non. Il m’en reste seulement une partie.
EDOUARD. — Mais pourquoi, ce rendez-vous ?... (Il réfléchit) Je veux dire, pourquoi ici ? C’est un peu bizarre… Et pas très pratique… Loin de tout…
VINCENT. — Le buron.
EDOUARD. — Le quoi ?
VINCENT. — Le buron ! Là bas, tu vois, derrière cette forêt, il y a un buron, c’était notre planque… La meilleure… La seule que les flics n’ont pas trouvée. Malheureusement ils ont trouvé les autres…
EDOUARD. — Mais si tu n’as pas tout l’argent, tu vas faire comment pour rembourser ?
VINCENT. — Je me débrouillerais. On s’arrangera. C’est un ami… (Un temps) Enfin, je crois… du moins c’en était un.
EDOUARD. — Qu’est-ce qui t’inquiète alors ?
VINCENT. — C’est que… (Un temps)
EDOUARD. —C’est que quoi ?
VINCENT. — Rien, je pensais à un truc… (Un temps) C’est sans importance maintenant.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — C’est bon, tu as fini d’être polie.
EDOUARD. — Tu me demandes si j’ai fini avec mes questions ?
VINCENT. — Oui.
EDOUARD. — Mais tu as dit toi-même que tu voulais parlais à quelqu’un, que ça faisait du bien.
VINCENT. — Oui, mais… (Un temps) Tu es sûr, tu ne te souviendras de rien ?
EDOUARD. — Normalement non… Mais quand bien même…
VINCENT (avec empressement) — Comment ça, normalement ?
EDOUARD. — C’est à dire que… (Il réfléchit) Ce n’est pas une science exacte.
Silence.
EDOUARD. — Je me demande ce que je fais là, moi. Pourquoi tu me racontes tout ça ?
VINCENT (ailleurs) — Tu attends ton amie. Et tu m’as déjà posé la question.
EDOUARD. — Oui, je sais, mais je voulais dire, toutes tes histoires… (Un temps) Je préfèrerais rester en dehors de tout ça.
VINCENT (ailleurs) — Si c’est encore possible.
EDOUARD. — Qu’est-ce que tu veux dire ?
VINCENT (hésitant) — Rien, c’est sans importance je te dis…
Edouard se tait et s’assied.
VINCENT (jurant faiblement, comme s’il parlait à lui-même) — Ah… Si seulement il pouvait venir avant que…
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Acte onzième

VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas…
EDOUARD. — Quoi ?
VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas…
EDOUARD (à lui-même) — Il délire, très certainement, il faudrait de l’aide, si seulement je savais où j’étais. Si j’avais un véhicule… (Un temps) ou un téléphone…
VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas lui faire du mal… (Un temps) Il savait… (Un temps) Je viendrais… il le savait… (Faiblement) Me voler… mon passé… (Froidement) Toujours… Elle… (Un temps) Je ne voulais pas… (Faiblement, en sanglots) lui faire de mal… (Un temps) Ca faisait si longtemps… si anxieux… (Avec emportement) Pourquoi ?... Pourquoi j’ai fait ça ?... (Plus calmement) mon passé… poursuivi… (Délirant) ne voulait pas… Pourquoi ?... (Un temps)… la pierre… sa tête… la chute… c’est ma faute… (Un temps)… sa peau… si sèche… (Un temps)
Vincent pousse un cri, puis sombre dans le sommeil. Edouard s’assied en face de lui.
EDOUARD (incrédule) — De qui parles t’il ? De l’homme qu’il attendait ?... (Un temps) C’était donc ça le cri. Tout s’explique, ils se sont disputés. Et puis l’autre a sorti son couteau… (Un temps) Il s’est défendu, il l’a poussé, et puis… (Un temps) Il a du tomber sur une pierre… (Un temps) Quelle horreur !
Edouard s’endort à son tour, épuisé.

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Bon, voilà le dialogue fini...
J'espere que cela a plu...

Comme vous l'avez sans doute deviné, les actes n'étaent pas dans l'ordre chronologique.
Je vais donc vous livrez mainteant le dialogue dans son intégralité, et dans l'ordre, pour ceux qui ont eut du mal à le reconstituer (c'est vrai que c'était parfois flou), ou pour ceux qui n'ont pas envie de faire d'efforts... :D

Cependant, je pense qu'il est plus interressant de lire tout d'abord le texte dans le désordre, enfin dans l'ordre dans lequel je l'ai écrit... Le suspens est ainsi préservé presque jusqu'au bout...
Vous voilà prévenu...

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L’Herbe Sèche



Acte deuxième

VINCENT (marchant, le regard dirigé vers le ciel) — Pourquoi moi ? Fou ? Non, je ne le suis pas. Vincent… (Un temps) C’était moi. Et j’attends, depuis déjà une heure. Que faire ? Je ne sais plus…
Il pousse un cri, qui s’achève un peu comme des pleurs, ou des lamentation, à ce degré, la distinction n’est plus vraiment faisable.
EDOUARD (en sursaut, se tournant vers Vincent) — Ah ! Je ne vous avais pas vu.
Vincent l’observe, le scrute.
VINCENT (à Edouard, avec vivacité) — Edouard !
EDOUARD. — Ah ? Tu as l’air de me connaître.
VINCENT. — J’ai lu ton nom sur ton badge.
EDOUARD. — Un badge ? Où ça ? (Un temps) Ah, ce badge… (Il réfléchit) Oui, eh bien, c’est… là où je travaille.
VINCENT. — Pourtant, il n’y a pas de nom d’entreprise. Enfin, je veux dire, d’habitude il y en a un. Et là, il n’y en a pas.
EDOUARD. — C’est que c’est un peu particulier. Mais, ton nom, je ne le connais pas, moi, tu n’as pas de badge.
VINCENT. — Je te l’ai déjà dit.
EDOUARD. — Je ne te l’avais pas demandé.
VINCENT. — Je n’ai pas de travail, c’est pour ça que je n’ai pas de badge.
EDOUARD. — Tu ne réponds jamais aux questions que l’on te pose ?
VINCENT. — Je m’appelle Vincent.
EDOUARD. — Enchanté, moi, c’est Edouard.
VINCENT. — Je sais.
EDOUARD. — Tu sais ?




Acte neuvième

VINCENT. — Oui, je sais. Mais tu fais quoi ici, normalement il n’y a jamais personne ici. On est à la campagne, en lisière de forêt, le premier village est à… (Il réfléchit) Au moins trente kilomètres. Il fait quasiment nuit. D’accord on est en été, mais personne ne se promène jamais ici. En plus il est… (Il regarde sa montre) Dix heures ! Déjà ! Il devrait être là... (Un temps) Qu’est-ce que tu fais là ?
EDOUARD. — Je suis là, c’est tout.
VINCENT (occupé, scrutant les alentours) — Tu vas bien au moins, tu étais allongé, là, sur l’herbe…
EDOUARD. — Elle était sèche au moins ?
VINCENT. — Hein… (Il s’immobilise, une goutte de sueur glisse le long de son front) Qui ça ?
EDOUARD. — L’herbe.
VINCENT (hésitant) — Ah, oui… l’herbe… (Un temps) Oui, elle était sèche, encore heureux, en plein été.
EDOUARD. — La place était à l’ombre.
VINCENT. — Et tu crois que la rosée du matin…
EDOUARD. — Elle était mouillée, j’en suis sûr.
VINCENT. — Si tu le dis. Mais pourquoi tu m’as posée la question ?
EDOUARD. — Parce qu’à ce moment là, je n’en étais pas sûr.
VINCENT (pensif) — Si tu le dis.
EDOUARD. — Tu me sembles préoccupé. Je peux t’aider peut-être.
VINCENT. — Je ne crois pas.
EDOUARD. — Tu attends quelqu’un ?
VINCENT. — Oui.




Acte sixième

EDOUARD. — Donc tu attends quelqu’un… (Il réfléchit) Drôle de lieu pour une rencontre… (Un temps, Vincent ne réagis pas) Mais, dis moi, tu n’es pas venu ici seulement pour attendre ce mystérieux inconnu. Alors, tu fais quoi ici ?
VINCENT. — Tu ne m’as pas répondu.
EDOUARD (incrédule) — Hein…
VINCENT. — Tout à l’heure, je t’ai posé la même question, et tu ne m’as pas répondu.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — Et puis, ton changement de ton m’intrigue.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — Tu es un peu bizarre.
EDOUARD. — Ah.
VINCENT. — Tu ne serais pas schizophrène ?
EDOUARD. — Des fois, j’ai du mal à te comprendre.
VINCENT. — Laisse faire, c’était juste une blague. A bad joke. C’était pour rire… (Un temps) Hein p’tit gars.
EDOUARD. — Ca ne me fait pas rire.
Vincent déploie un sourire glacial. Il écarte ses fossettes au maximum, son sourire forcé se fige, durant un court instant, puis tout se relâche.
EDOUARD. — Tu te moques de moi ?
VINCENT (avec ironie) — Je n’oserais jamais.
EDOUARD. — Tu ne m’as pas répondu.
VINCENT. — Toi non plus.




Acte huitième

EDOUARD. — Tu ne me répondras pas alors ?
VINCENT. — Quand tu m’auras répondu.
EDOUARD. — Je me reposais.
VINCENT. — Mais encore…
EDOUARD. — Je me suis perdu.
VINCENT. — Allons, un grand garçon comme toi…
EDOUARD. — Tu te moques encore de moi ?
VINCENT. — Oui.
Silence.
VINCENT. — Bon. Même si je ne te crois pas…
EDOUARD. — Pourtant, c’est la vérité… (Un temps) Et puis, après tout, qu’est-ce que cela peut vous faire ? Vous n’avez rien à vous reprocher, et moi non plus. Je peux vous le dire, c’est que je ne sais plus vraiment pourquoi je suis là. J’attends mon amie… (Un temps) Enfin je crois. Elle devrait être là, mais j’oublie toujours tout… (Un temps) Je me suis assoupie… (Un temps) J’ai tout aussi bien pu me tromper de jour… (Un temps) Vous ne l’auriez pas croisée par hasard… (Un temps) Quel jour on est aujourd’hui ?
VINCENT. — Quel élan de lucidité ! Et puis, tu me vouvoies maintenant ? Tu me sembles de plus en plus bizarre. Tu es sûr que tu n’as aucun problème.
EDOUARD. — Je viens de vous le dire, j’ai perdu mon amie.
VINCENT. — Je croyais que tu t’étais perdu, pas que tu avais perdu quelqu’un.
EDOUARD. — Je pensais être perdu, d’ailleurs je le pense toujours. Mais j’ai aussi perdu mon amie, elle devrait être là… (Un temps) C’est que je ne me souviens plus. Elle m’avait dit de l’attendre ici, elle devait revenir… (Un temps) Elle m’a dit l’heure pourtant.
VINCENT. — Tu n’es pas logique.
EDOUARD. — Je suis amnésique.
VINCENT. — Amnésique ? Pourtant tu te souviens de beaucoup de choses ?
EDOUARD. — C’est un peu spécial.
VINCENT. — Tu l’as déjà dit.
EDOUARD. — Ah ?
VINCENT. — Non, je te taquine…
EDOUARD. — Ah… (Un temps) Ma mémoire s’efface d’elle même… (Un temps) Des fois. Je me souviens de quelques bribes, mais ça reste vague, c’est comme une esquisse.
VINCENT. — D’où ton attitude.
EDOUARD. — Oui.
VINCENT. — Ca veut dire que demain… (Un temps) Tu ne te souviendras pas de moi ?
EDOUARD. — Si.
VINCENT. — Mais, tu viens de dire que…
EDOUARD. — Tu seras comme une esquisse. Un simple souvenir, une silhouette. Je ne te reconnaîtrais certainement pas si je te revoyais… (Un temps)
VINCENT. — Et…
EDOUARD. — J’aurais certainement oublié tout ce que nous nous sommes dits.
VINCENT. — Ah… (Un temps) C’est triste.




Acte dixième

EDOUARD. — Tu peux me dire maintenant, pourquoi tu es ici ?
VINCENT. — Oui, de toute façon… demain… (Un temps)
EDOUARD. — Je ne m’en souviendrais pas. C’est si personnel que cela ?
VINCENT. — Je sors de prison.
EDOUARD (reculant d’un pas) — Ah…
VINCENT. — Tu ne devrais pas avoir peur, on m’a libéré, j’ai payé ma dette… (Un temps) Mais pas pour tout le monde.
EDOUARD. — Tu sais, je crois que ça ne me concerne pas, je préfère rester en dehors de ça. Je me demande bien pourquoi tu me racontes tout cela.
VINCENT. — Parce que demain tu ne t’en souviendras pas. Et puis, ça fait du bien de parler de temps en temps… (Un temps) Toi, tu es l’interlocuteur idéal.
EDOUARD. — Ah ?
VINCENT. — Oui. Donc, tu sais ce que c’est la vie des petits malfrats.
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Tu as bien lu des trucs… dans les journaux ?
EDOUARD. — Oui, mais, je ne me souviens pas.
VINCENT. — C’est vrai, j’oubliais. Donc tu vois, on survit, de petits délits en petits délits… (Un temps) Et puis, un jour, quelqu’un te propose un gros coup… Tu marches dedans… Ca foire… Tu te fais prendre… Et tu vas en prison…
EDOUARD. — Tu as fait quoi, toi, pour aller en prison ?
VINCENT. — Mes histoires t’intéressent maintenant ?
EDOUARD. — C’est que, euh… Je disais cela pour être polie.
VINCENT (raillant) — Je vois. J’ai braqué une banque, il y a eut un mort. On avait fait le coup à deux, je lui dois de l’argent… (Un temps) Beaucoup d’argent…On devait partager… cinquante – cinquante… (Un temps) Mais je me suis fait prendre… Maintenant, il veut sa part.
EDOUARD. — Mais… (Un temps) La police ? Elle n’a pas récupéré cet argent ?
VINCENT. — Pas tout, non. Il m’en reste seulement une partie.
EDOUARD. — Mais pourquoi, ce rendez-vous ?... (Il réfléchit) Je veux dire, pourquoi ici ? C’est un peu bizarre… Et pas très pratique… Loin de tout…
VINCENT. — Le buron.
EDOUARD. — Le quoi ?
VINCENT. — Le buron ! Là bas, tu vois, derrière cette forêt, il y a un buron, c’était notre planque… La meilleure… La seule que les flics n’ont pas trouvée. Malheureusement ils ont trouvé les autres…
EDOUARD. — Mais si tu n’as pas tout l’argent, tu vas faire comment pour rembourser ?
VINCENT. — Je me débrouillerais. On s’arrangera. C’est un ami… (Un temps) Enfin, je crois… du moins c’en était un.
EDOUARD. — Qu’est-ce qui t’inquiète alors ?
VINCENT. — C’est que… (Un temps)
EDOUARD. —C’est que quoi ?
VINCENT. — Rien, je pensais à un truc… (Un temps) C’est sans importance maintenant.
EDOUARD. — Ah…
VINCENT. — C’est bon, tu as fini d’être polie.
EDOUARD. — Tu me demandes si j’ai fini avec mes questions ?
VINCENT. — Oui.
EDOUARD. — Mais tu as dit toi-même que tu voulais parlais à quelqu’un, que ça faisait du bien.
VINCENT. — Oui, mais… (Un temps) Tu es sûr, tu ne te souviendras de rien ?
EDOUARD. — Normalement non… Mais quand bien même…
VINCENT (avec empressement) — Comment ça, normalement ?
EDOUARD. — C’est à dire que… (Il réfléchit) Ce n’est pas une science exacte.
Silence.
EDOUARD. — Je me demande ce que je fais là, moi. Pourquoi tu me racontes tout ça ?
VINCENT (ailleurs) — Tu attends ton amie. Et tu m’as déjà posé la question.
EDOUARD. — Oui, je sais, mais je voulais dire, toutes tes histoires… (Un temps) Je préfèrerais rester en dehors de tout ça.
VINCENT (ailleurs) — Si c’est encore possible.
EDOUARD. — Qu’est-ce que tu veux dire ?
VINCENT (hésitant) — Rien, c’est sans importance je te dis…
Edouard se tait et s’assied.
VINCENT (jurant faiblement, comme s’il parlait à lui-même) — Ah… Si seulement il pouvait venir avant que…




Acte cinquième

EDOUARD. — Tu disais ?
VINCENT (distrait) — Ah, te revoilà, toi.
EDOUARD. — Je ne suis pas parti, jamais.
VINCENT. — Mais tu ne parlais plus, alors j’ai cru que…
EDOUARD. — Tu me voyais bien pourtant.
VINCENT (timidement). — Oui, mais euh… Je suis content de te revoir, je te croyais parti, j’avais peur de ne plus te revoir.
EDOUARD. — Pourtant tu me connais à peine et…
VINCENT (avec emphase) — Je te connais assez, crois moi.
EDOUARD. — J’ai pourtant du mal… (Il réfléchit) Ca ne doit faire que deux heures.
VINCENT (avec irritation). — Deux heures ? Quoi deux heures ? Tu ne te souviens pas ?
EDOUARD. — Non.
Silence.
EDOUARD. — Si je me souviens, il me semble… (Un temps) C’était toi tout à l’heure ?
VINCENT. — Où cela ?
EDOUARD. — Mais ici même. Enfin… (Un temps) Il me semble.
VINCENT. — Décidemment tu ne sais pas ce que tu dis, ni ce que tu fais.
EDOUARD. — C’est bien ça le problème, depuis le temps, tu devrais le savoir.
VINCENT. — Tu disais que je ne te connaissais pas, comment voudrais-tu que je sache ?
EDOUARD. — Eh bien… (Il cherche) Je ne sais plus… (Un temps) Je suis fatigué.
Silence.
Edouard s’assied. Vincent arpente le bord du chemin, s’assied, puis se relève. Edouard s’allonge puis s’endort. Vincent s’arrête devant lui, puis s’assied.




Acte quatrième

VINCENT — Edouard… (Un temps) Edouard… (Un temps) EDOUARD !
Edouard se réveille en sursaut.
EDOUARD. — Pourquoi tu m’as réveillé, je t’ai dit que j’étais fatigué.
VINCENT. — J’avais besoin de ton aide. Et je me sentais seul.
EDOUARD. — Et maintenant.
VINCENT (surpris) — J’ai toujours besoin de ton aide.
EDOUARD. — Alors pourquoi tu parles au passé ?
VINCENT (ironiquement) — Je ne sais pas, et pour tout dire, ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus.
EDOUARD. — Et…
VINCENT. — Je t’ai déjà tout expliqué.
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Tu ne t’en souviens pas ?
EDOUARD. — Non.
VINCENT. — Pourtant ?
EDOUARD. — Je te dis que non.
VINCENT. — J’attends quelqu’un.
EDOUARD. — Oui, ça je sais.
VINCENT. — Que sais tu d’autre. ?
EDOUARD. — C’est tout.
VINCENT. — Ah…
EDOUARD. — Et bien, décides-toi, qu’est-ce qui t’arrive ?
VINCENT. — Il arrive.
EDOUARD. — Qui ?
VINCENT. — Celui que j’attendais.
EDOUARD. — Comment le sais-tu ?
VINCENT. — J’ai entendu un bruit de moteur.
EDOUARD. — Mais c’est très bien, qu’est-ce qui te préoccupe ?
VINCENT. — Toi.
EDOUARD. — Moi ?
VINCENT. — Oui toi. Tu es sourd ? A chaque fois que je te pose une question, il te faut confirmation.
EDOUARD. — C’est parce que sinon, j’oublie plus vite.
VINCENT. — Ah… (Un temps) Oui, donc il faut que tu m’attendes ici.
EDOUARD. — Tu pars ?
VINCENT. — Oui, je vais voir celui que j’attendais.
EDOUARD. — Mais si tu l’attendais, c’est qu’il doit venir ici.
VINCENT. — Je t’expliquerais.
EDOUARD. — Je t’attends.
VINCENT. — Je reviens.
EDOUARD. — Attends ! Pourquoi est-ce que je t’attends ?
VINCENT. — Parce que… (Il réfléchit) Je t’expliquerais, tu devrais comprendre avec ce que je t’ai dit.
EDOUARD. — Mais puisque je te dit que…
Vincent s’éloigne sur le chemin, puis disparaît des yeux d’Edouard. Edouard s’assied. Il attend, puis entend un cri, un râle, puis un deuxième cri, plus long celui-là. Vincent revient en boitant.




Acte septième

EDOUARD. — Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu es blessé ?
VINCENT. — Oui, à la jambe.
EDOUARD. — Drôle de rendez-vous.
VINCENT. — Oui… (Il réfléchit, avec détermination) Mais c’était pas lui.
EDOUARD. — C’était qui alors ?
VINCENT (hésitant) — Un autre.
EDOUARD. — Et qu’est-ce qu’il te voulait ?
VINCENT (hésitant) — La même chose que l’autre.
EDOUARD. — Je comprends rien.
VINCENT. — Tu n’as pas à comprendre.
EDOUARD. — Bon, si tu le prends comme ça.
VINCENT (exténué) — Je le prends comme je le veux. Je me suis pris deux coups de couteau. Un dans la jambe, et en plus je me suis fait percé le ventre… (Haussant la voix) J’ai le droit d’être énervé, non ? J’ai assez mal comme ça. Alors les pauvres types comme toi, tu sais ce que j’ai envie de leur dire.
EDOUARD. — Et bien, vas-y, dis-le. Moi, je me barre.
VINCENT. — Non reste… (Avec difficulté) Aides-moi…
Vincent s’évanouit. Edouard lui arrache sa chemise, la déchire, puis bande Vincent à la jambe et au torse. Vincent rouvre lentement les yeux.




Acte onzième

VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas…
EDOUARD. — Quoi ?
VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas…
EDOUARD (à lui-même) — Il délire, très certainement, il faudrait de l’aide, si seulement je savais où j’étais. Si j’avais un véhicule… (Un temps) ou un téléphone…
VINCENT (délirant) — Je ne voulais pas lui faire du mal… (Un temps) Il savait… (Un temps) Je viendrais… il le savait… (Faiblement) Me voler… mon passé… (Froidement) Toujours… Elle… (Un temps) Je ne voulais pas… (Faiblement, en sanglots) lui faire de mal… (Un temps) Ca faisait si longtemps… si anxieux… (Avec emportement) Pourquoi ?... Pourquoi j’ai fait ça ?... (Plus calmement) mon passé… poursuivi… (Délirant) ne voulait pas… Pourquoi ?... (Un temps)… la pierre… sa tête… la chute… c’est ma faute… (Un temps)… sa peau… si sèche… (Un temps)
Vincent pousse un cri, puis sombre dans le sommeil. Edouard s’assied en face de lui.
EDOUARD (incrédule) — De qui parles t’il ? De l’homme qu’il attendait ?... (Un temps) C’était donc ça le cri. Tout s’explique, ils se sont disputés. Et puis l’autre a sorti son couteau… (Un temps) Il s’est défendu, il l’a poussé, et puis… (Un temps) Il a du tomber sur une pierre… (Un temps) Quelle horreur !
Edouard s’endort à son tour, épuisé.




Acte troisième

Edouard pousse un cri. Vincent se réveille.
VINCENT. — Edouard… (Un temps) Edouard… (Un temps)
Edouard se réveille et se frotte les yeux.
EDOUARD. — Il fait encore nuit ?
VINCENT. — Oui, tu as crié, ça m’a réveillé.
EDOUARD. — J’ai fait un rêve.
VINCENT. — Ne le raconte pas.
EDOUARD. — Je rêvais que…
VINCENT. — NE LE RACONTE PAS !
EDOUARD (geste vers l’univers) — Celui-ci te suffit ?
VINCENT (avec ironie) — Tu attends Godot, peut-être ?... (Se force à sourire) Tu devrais savoir qu’il ne viendra pas… depuis le temps.
Silence.
EDOUARD. — Pourquoi ?
VINCENT. — Pourquoi quoi ?
EDOUARD. — Pourquoi ne pas te le raconter ?
VINCENT. — Parce que je m’en fous.
EDOUARD. — C’n’est pas très gentil. Moi qui t’ai aidé.
VINCENT. — J’ai d’autres problèmes… (Il réfléchit, avec assurance, plus fort) Pourquoi est-ce qu’il ne vient pas ? Et ces blessures qui me font de plus en plus mal.
EDOUARD. — Tu veux que je t’accompagne quelque part.
VINCENT. — Ce ne sera pas la peine. Il faut que tu restes là.
EDOUARD. — Mais… (Un temps) Pourquoi ?
VINCENT. — Parce que, j’ai réfléchit… (Un temps) Je n’en peux plus ! Ces blessures me font trop mal ! Ma voiture est garée de l’autre côté de la forêt… Une fois là-bas, j’arriverais bien à me conduire chez le médecin le plus proche… je tiendrais bien jusque là… (Un temps) il faut que je tienne jusque là…
EDOUARD. — Tu n’as pas répondu à ma question.
VINCENT. — Laquelle ?
EDOUARD. — Pourquoi je dois rester ici ?
VINCENT (réfléchissant) — Et bien, si jamais celui que j’attendais arrive, tu lui expliqueras…
Silence.
VINCENT (avec insistance) — Bon, tu sauras lui expliquer ?
EDOUARD. — A qui ?
VINCENT (exténué) — A celui que j’attendais ?
EDOUARD. — Tu ne l’attends plus ?
VINCENT. — Si.
EDOUARD. — Alors pourquoi tu parles au passé ?
VINCENT (soupirant) — J’ai mal, tu comprends ça ?
EDOUARD. — Oui, mais tu ne veux pas que je t’accompagne.
VINCENT. — Non, je t’ai déjà expliqué.
EDOUARD. — Tu ne veux pas attendre un peu encore, à quelle heure vous deviez vous retrouver ?




Acte premier

VINCENT (ayant examiné sa jambe) — Ecoute, je n’en peux plus. Tu n’as qu’à rester là, tu lui diras, toi. Tu lui expliqueras, tu sauras comment t’y prendre.
EDOUARD. — J’essayerais.
Silence.
VINCENT (réfléchissant) — Finalement, c’est une mauvaise idée.
EDOUARD. — Tu as mal ?
VINCENT (accablé) — Mal ! Bien sûr que j’ai mal. Qui n’aurais pas mal à ma place ?
Silence.
EDOUARD (inquiet) — Et tu attends ?
VINCENT. — On attend.
EDOUARD. — Mais toi, tu attends quoi ?
VINCENT. — Un dénouement.
EDOUARD (incrédule) — Un quoi ? Je ne comprends pas.
VINCENT. — Ca n’a pas d’importance.
EDOUARD. — Pour moi, ça en a.
Silence.
EDOUARD. — Et en attendant ?
VINCENT. — Tu n’as qu’à te pendre. Les arbres ne manquent pas. Je te prêterais de la corde. (Plus bas, froidement) Et puis, finalement, ça arrangerait mes affaires.
EDOUARD. — Oui, mais pour me pendre, il me faut un motif. Et moi, je n’ai pas de motifs.
VINCENT. — Bah… Tout le monde a un motif. Cherche bien c’est tout.
EDOUARD. — Euh… (Il réfléchit) Si je… (Un temps) C’est… (Faiblement, la voix tremblante) C’est toi, qui…
VINCENT (froidement) — Tu vois quand tu veux, tu es capable de te souvenir.
EDOUARD. — Demain j’aurais tout oublié. Tu le sais bien, ça ne sert à rien.
VINCENT (avec irritation) — Balivernes ! Je ne fais plus confiance à personne maintenant. Pas même à ceux que je connais. Et toi, je ne te connais pas.
EDOUARD. — Mais, tu disais…
VINCENT. — Tu vois bien que tu te souviens.
EDOUARD. — C’est que c’était il y a si peu de temps… (Un temps) Ma mémoire ne l’a pas encore effacé.
VINCENT. — Et même si cela était vrai. D’ici là, tu peux très bien tout dire à quelqu’un.
EDOUARD. — Il n’y a jamais personne ici.
VINCENT. — Tu étais bien là, toi.
EDOUARD. — Oui.
VINCENT. — Et moi ?
EDOUARD. — Aussi.
VINCENT. — Alors ?
EDOUARD. — Je comprends.
VINCENT. — Tu comprends quoi ?
EDOUARD. — Tout, mais c’est trop tard… (Un temps) L’herbe sèche…
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